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Pour certains, la solution n’est pas radicale : il ne s'agit pas d'arrêter. Ils espacent les prises, gèrent méthodiquement le temps dédié à la consommation (un week-end par mois, tous les deux mois…) ou évitent de chercher des plans chems sur les applications. L’objectif n’est pas l'abstinence mais de se dire que l’on va réduire sa conso pour se sentir mieux et contrôler sa vie
Quand la consommation de chems devient problématique, effacer le numéro d’un dealer ou désinstaller Grindr n’est pas toujours efficace sur le long terme. Le changement radical d’environnement est souvent difficile à réaliser. Les quelques points suivants, qui proviennent d’échanges et de discussion avec des personnes qui pratiquent ou ont pratiqué le chemsex, offrent des pistes intéressantes et que chacun peut essayer de travailler dans une démarche de réduction de sa consommation.
Comprendre sa consommation de produits
“Chemsex is not just Chems & Sex”. Une conso problématique de produits, c'est rarement juste un besoin irrésistible de consommer une substance chimique. C'est un parcours de vie dans lequel le produit intervient à un moment donné, prend la place d'un « vide » disent certains, « compensent » un rythme de vie, un stress ou apportent le lâcher prise qu'on arrive peu souvent à s'autoriser. Il y a aussi des histoires personnelles et intimes avec leurs lots de tragique et de tristesse.
Se dire « j'arrête de consommer » brutalement sans regarder ce qui fait que l'on consomme ou encore l'équilibre de vie dans lequel la conso de produit s'inscrit, c'est prendre le risque que ce soit un arrêt peu durable, frustrant à chaque rechute ou bien que l’arrêt d’un produit soit compensé par un autre : « j'arrête la 3MMC le week-end, mais depuis ma consommation d'alcool a explosé. »
L'échange avec des proches ou avec des professionnel.le.s de santé peut aider dans ce travail de compréhension de soi et des consommations. Un.e professionnel.le de santé va aussi aider à prendre du recul ou encore à diagnostiquer un trouble psy ou mental qui entre dans l’équation, sans qu’on en ait vraiment pris conscience. Le regard sur soi, sur ses pratiques, sur son identité sont souvent des choses qui reviennent dans les consommations problématiques et qui peuvent être désamorcées avec l’aide d’un tiers.
Se fixer des objectifs simples et atteignables
Il n'y a rien de plus frustrant que les échecs répétés quand on se fixe des objectifs ambitieux. Quand on veut arrêter d'un coup, chaque rechute de consommation est vécue comme un échec alors que pour avancer, il faut parfois accepter quelques pas en arrière (♪♫♬ deux pas en avant… un pas en arrière… ♫♪♬).
La démarche d’arrêt dans l'addiction provoque un effet paradoxal : « Quand je suis allé à mon rendez-vous chez l'hypnothérapeute pour arrêter la clope, j'ai fumé deux paquets avant la première séance ».
L'arrêt d'une consommation addictive ne se décrète pas forcément et peut s'installer progressivement, par petits bouts : on espace peu à peu les prises, on réduit peu à peu les dosages, on remplace éventuellement un produit qui nous pose plus de difficulté par un autre qui est plus simple à gérer.
L’important est de trouver le bon rythme de progression qui ne risque pas de nous faire tomber dans l’effet paradoxal de l’arrêt.
Programmer ses consommations et faire diversion
C’est vendredi, fin de semaine crevante. Cette sensation de chaleur au niveau de l’estomac qui arrive, cette petite excitation qui monte jusqu’au cerveau et murmure « c’est le moment de se démonter la gueule ». Grindr et Scruff sont en ébullition. Dur de résister.
Comment éviter de se retrouver dans ces moments où il est si difficile de résister à la tentation ? Anticiper ! Définir à l’avance quand on s’autorise à céder et trouver autre chose à faire les autres moments.
L’angoisse de l’arrêt et son effet paradoxal se font moins ressentir car il y a la perspective d’une prochaine fois. Cette perspective offre en même temps un cadre en termes de fréquence et de quantité. Et pour tous ces autres jours ou moments où je sais que j’ai tendance à avoir envie, où je sais que le craving se fera ressentir, alors je vais essayer de faire diversion. Ça veut dire quoi « faire diversion » ? Partir ailleurs ou encore prévoir autre chose de suffisamment intense pour réduire la tentation.
Ouvrir son champ des possibles en termes d’occupation n’est pas toujours facile quand on est dans des routines et des contextes qui offrent peu d’alternative. C’est pour ça que le point suivant est important.
Faire un suivi avec un ami, un autre consommateur ou un professionnel de santé
Quand on met en place un parcours de santé pour soi, comme par exemple réduire sa consommation, c’est toujours utile de faire le point régulièrement avec une autre personne.
Cela peut être avec un ou plusieurs potes. Cela peut être un autre consommateur qui cernera bien de quoi on parle ou les difficultés rencontrées. C’est la force des ressources communautaires comme ce que propose Let's talk about Chemsex à Ex Æquo avec les groupes de discussion. Cela peut être également un.e professionnel.le de santé : médecin, psychiatre ou psychologue spécialisé.e en addictologie. Cela permet d’obtenir des conseils utiles mais surtout, le plus important, d’avoir l’opportunité de faire le point régulièrement, revenir sur les jours et semaines écoulés, se fixer de nouveaux objectifs pour la prochaine rencontre.
Se poser régulièrement la question
« de quoi ai-je envie » ?
C’est une question toute bête. Mais qui oblige à prendre un peu de recul, alors se la poser de temps à autres, ça ne fait pas de mal !
Rédaction : Vincent Leclercq, volontaire Aides